Cossard

 

Il y a beau temps que la purée de pois cassés n’est plus en vogue dans les menus des cantines des collèges, les flocons de pommes de terre concoctés par l’industrie agro-alimentaire l’ont supplantée. Plus aucun pois cassé dans les collèges ; en revanche, le nombre de cossards reste, lui, égal.

Le cossard est une variante plus rude du fainéant (le feignasse étant la variante plus molle). Le cossard est rétif au travail scolaire. Ce n’est pas précisément un manque d’appétence face aux activités pédagogiques proposées. Il s’agit d’un refus pur et simple, presque d’ordre moral ou éthique. Une règle de conduite qu’il se doit de suivre de près pour pouvoir continuer à se regarder dans la classe le matin. Il ne doit pas travailler. Le cossard est sombre et apprend à se composer au fil des années un air buté qu’il adopte, revêt tel un masque, un costume magique, à tout moment. On lui pose une question : qu’il connaisse ou non la réponse, il prend instantanément son air buté, pince la bouche, allonge un peu le menton, et ne répond rien.

Une question est une agression.

Il est fort en saut en hauteur et on lui demande de faire une démonstration devant ses camarades ? Il refuse net, assurant sans trembler que son tendon d’Achille le fait atrocement souffrir, alors que le matin même il a franchi sans effort le mur du collège pour aller ramasser des marrons afin de ne pas être dépourvu de munitions à la récréation de midi. Le cossard se reconnaît aussi aux vêtements qu’il porte. Forme : informe. Couleur : passée. C’est qu’il ne faut pas attirer l’attention. Le cossard veut surtout qu’on le laisse tranquille ! À penser à ce qu’il fera après la journée de cours, à ce qu’il fera après le collège, quand ses professeurs et ses parents ne seront plus sur son dos. Il fera alors ce qu’il veut, lui.
Un beau jour, il reviendra peut-être dans son collège dire bonjour à ses professeurs, une fois devenu acrobate de cirque ou ingénieur des Ponts et Chaussées.

 

plume forum

 

© Louis Butin & cercle DPMC