Mathématiques

 

On pourrait croire que c’est une blague. C’est cela. Les mathématiques sont une blague. Un jour quelqu’un a crié, par jeu, « matématic ! » et le son produit était si marrant qu’il a été repris par d’autres.
C’était peut-être dans une cour de récréation d’une école antique, l’on croit que c’est en Grèce, mais ce fut peut-être en Egypte ou en Mésopotamie... Filles, garçons, ils se sont mis à crier ça en classe, pour énerver leurs professeurs à barbes blanches. Ah, vraiment, que c’était drôle ! C’est devenu leur obsession.
Ils faisaient « matéma… tikitikitiki ! » et d’autres « matématic tac ! tic tac ! tic tac ! », dans tous les cours, tout le temps, en si grand nombre qu’il n’y avait rien à faire pour ramener le calme, et les professeurs se sont enflammés qu’un si grand enthousiasme obnubile les enfants, bon sang, ça n’était plus possible ! Et, voyez-vous, comme la pédagogie nouvelle (qui consiste en une recherche méthodique de la méthode d’enseignement la plus sournoise) s’appropriait déjà les circulaires de rentrée de la Grèce antique, les maîtres d’école ont, par principe pédagogique, tenté de trouver à quoi pourrait correspondre la demande formulée si fort par les élèves.
Un professeur a avancé, par déduction, que « mathématikos » désignerait dès lors ceux qui aiment apprendre, c’est le sens de l’étymon que nous connaissons maintenant. Mais il fallait aller plus loin encore, et les enfants pourtant n’ignoraient pas que les maîtres d’école peuvent se montrer très retors au jeu du plus malin : « si les élèves veulent des mathématiques, on va leur en donner ! » a dit, hilare, un professeur à la barbe plus pointue que celle des autres. Et ils inventèrent la discipline des mathématiques qui entra en vigueur, obligatoire pour tous, dès la rentrée suivante.

On mit au programme de cette nouvelle matière tous les jeux abstraits de l’esprit, tout ce que les enfants d’alors détestaient le plus : jeux de nombres, géométrie, théorie des probabilités.
Comme on s’attendait à une révolte des gamins, l’on nomma aux postes de professeurs les messieurs les plus rigoureux et les plus brutaux.
Parmi eux figuraient :

  1. le mystérieux Thalès de Milet, très vieux, qui laissait ses élèves des heures au soleil pour analyser la taille de leur ombre, qui les forçait à lever la tête vers les étoiles plusieurs nuits de rang pour leur montrer les mouvements des astres,
  2. le terrible Pythagore qui était un géant aux bras gros comme des troncs d’arbre et dont la règle était très très dure,
  3. le méchant Euclide qui éborgnait les paresseux et les cossards au moyen de ses grands compas, qui torturait ses élèves avec des démonstrations particulièrement retorses,
  4. le vicieux Archimède, qui prenait un malin plaisir à noyer les enfants pour la démonstration de certaines théories…

Il serait impossible d’énumérer toutes les figures effrayantes parmi ces premiers professeurs de mathématiques. Mais croyez nous bien : les enfants firent moins les malins.
L’instauration des mathématiques fut un tel succès dans l’Histoire du domptage des enfants (pédagogie et didactique procèdent directement de cette science) que la discipline fut reconduite pour les siècles à venir ; la provocation des élèves de l’antiquité pèse encore sur nous. Ce qui prouve, CQFD, qu’il faut réfléchir à deux fois avant d’essayer d’agacer les professeurs.

Dans les collèges de France, au début du XXIème siècle, les mathématiques veillent à ce que tous les enfants sachent faire les quatre opérations des nombres : addition, soustraction, multiplication et division. C’est la base de l’arithmétique. Ils approfondissent cela avec les puissances, le pourcentage, etc., ce qui les prépare bien à compter leurs sous.
Les élèves découvrent également les joies des équations – factorisation et développement, produit en croix sont des opérations qu’ils doivent maîtriser s’ils veulent poursuivre une existence prospère.
La géométrie leur fait découvrir les définitions des différentes formes simples telles que le carré, le parallélépipède, le triangle, le cercle. Les élèves apprennent l’art de la démonstration mathématique qui n’est pas à négliger car cet art est le plus parfait de tous les arts. Ils s’aident pour ce faire de divers théorèmes et définitions nommés selon les plus estimés des maîtres des mathématiques. Ils étudient les rudiments de la trigonométrie dont le nom si rigolo ne fait rire aucun enfant… Tout ceci leur permettra de se repérer dans l’espace, de ne pas se perdre en ville et de ne pas tomber dans les panneaux.

Puisque la discipline des mathématiques s’attache à présenter les choses sous un aspect abstrait, nous nous permettrons de procéder à l’identique :
Soit un groupe classe C que nous répartissons en trois types d’élèves x, y et z.
x : élève qui aime les mathématiques
y : élève qui n’aime pas les mathématiques
z : élève qui ne sait pas trop
On note C = ax+by+cz
a, b et c représentant le nombre d’élèves dans chaque groupe.
Au collège, on peut facilement relever cette tendance : b > c > a
Enfin, tout est relatif. Ça dépend du prof et du cours. On est donc souvent confronté à une situation de type : c > b > a.
Les professeurs qui relèveraient a > c > b ou a > b > c sont d’incorrigibles personnes qui se trompent tout le temps ou des aveugles utopistes ou des humoristes qui ne pratiquent pas les mathématiques ou alors, mince ! qu’on répertorie immédiatement sur une carte de France un tel gisement d’élèves indulgents et curieux !

Un mot sur les professeurs de mathématiques.
Il n’est pas rare que les professeurs de mathématiques paraissent aux yeux des élèves des extraterrestres. Au-delà de l’apparence physique et vestimentaire que nous ne commenterons pas, cela peut se comprendre aisément : imaginez vous face à une personne qui baragouine des abstractions dans un vocabulaire bizarre encombré de mots grecs et ce quatre heures par semaine, vous comprendrez le point de vue des élèves. Attention, ce point de vue s’étend très vite à l’ensemble du corps professoral car les professeurs recourant à une langue complexe ne sont pas rares.
Mais le cas des mathématiques est à part. Les profs de maths, au contraire des iconoclastes professeurs de biologie ou de sciences physiques sont les gardiens de l’hermétique Loi du monde et, à ce titre, doivent être considérés avec le respect le plus humble de la part des nouveaux-nés que sont les élèves.

 

plume forum

 

© Louis Butin & cercle DPMC